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int. grange N. & B.











gravure du Portail













gravure ext. de la Grange


Un jour, en 1963, le maître Sviatoslav Richter, qui cherchait sur les bords de la Loire un monument propice à l’organisation de festivals de musique, jeta son dévolu sur la Grange de Meslay. Au premier coup d’œil, l'ampleur exceptionnelle de son volume intérieur et la majesté de son architecture l’avaient séduit. Depuis, ce bâtiment devient chaque été un temple de l’art apprécié des mélomanes du monde entier et un lieu de rencontres mondaines. Étonnante destinée qui rend plus piquante encore l’interrogation qu’elle pose de toute manière à l’historien.
 
Un grand domaine agricole de Marmoutier : la Grange de Meslay (IXe-XVIIIe siècle)
La Grange de Meslay est sans doute l’exemple le plus remarquable que l’on ait conservé en France et même en Europe de bâtiments monastiques à destination agricole. Primitivement, elle était située dans un vaste enclos de près de deux hectares, ceint de murs dont il reste encore assez de vestiges pour que l’on en perçoive bien le tracé, et qui comprenait d’autres bâtiments.

Un monument unique en son genre
La porte d’accès au domaine en forme de porche, toujours en place, s’ouvre à la base d’une tour carrée qui comporte deux étages d’appartements. La qualité de l’appareil, le soin donné aux voussures, aux fenêtres géminées et à la rosace, les fleurons du fronton dénotent le soin donné à cette construction de grande allure monumentale. La grange elle-même est de forme trapue. Sa vaste toiture très enveloppante s’appuie sur des murs bas flanqués de contreforts. La façade présente les mêmes caractères stylistiques et la même qualité d’exécution que le porche. Elle est percée de cinq baies et munie d’un avant-corps triangulaire très pur de ligne qui renforce le mur pignon et rythme harmonieusement sa surface. A l’intérieur, l’édifice de soixante mètres sur vingt-cinq frappe par l’ampleur de son volume ; une très belle charpente en coeur de chêne délimite un vaisseau central flanqué de quatre collatéraux et divisé en treize travées. La perfection du style, la dimension du bâtiment et l’originalité de sa disposition intérieure font de la grange de Meslay, avec le porche qui la précède, un ensemble monumental unique en son genre.

Une oeuvre des moines de Marmoutier
Cette admirable réalisation est l’oeuvre des moines de l’abbaye voisine de Marmoutier, le “grand monastère” (Majus monasterium) pour l’appeler par son nom, qui tirait sa gloire de saint Martin, son illustre fondateur au IVe siècle, et sa fortune des comtes de Blois qui l’avaient relevé de ses ruines et fondé une deuxième fois vers 982. On peut même être plus précis. La Chronique des abbés de Marmoutier nous dit en effet qu’Hugues des Roches, abbé de 1210 à 1227, ce grand bâtisseur qui fit élever dans l’abbaye même le portail de la Crosse et commencer la reconstruction de l’église, édifia aussi “la grange de Meslay avec le porche, le colombier et les murs de ce manoir”, c’est-à-dire très exactement l’ensemble architectural actuel.

Le prieuré de Meslay
En vérité il ne s’agissait pas là d’un commencement, mais bien plutôt d’un aboutissement. Meslay en effet depuis le XIe siècle est attesté comme prieuré dépendant de l’abbaye. Les circonstances précises de sa fondation sont loin d’être connues avec certitude. Les moines de Marmoutier qui s’étaient faits au XVIIe siècle les savants historiens de leur maison et de ses prieurés n’en disent rien de plus. La donation de 1061 faite aux moines par un certain Renaud de Hodat n’a rien à y voir. La traduction du nom est fautive, il s’agit de Renaud d’Oë ; quant au lieu, objet de la donation ou plutôt de la restitution, c’est Campiniacus (aujourd’hui Champaigné, à Notre-Dame d’Oë) dont les moines étaient détenteurs depuis 852. L’archiviste qui a fait l’inventaire des titres du domaine au XVIIIe  siècle a identifié ce lieu à Meslay, tout simplement sans doute parce que la charte de donation en question se trouvait égarée parmi eux.

En revanche, ce qui peut être avancé sans risque d’erreur, c’est que cette fondation prend place parmi bien d’autres. Aux XIe et XIIe siècles, plus de deux cents prieurés furent ainsi créés par Marmoutier, de la Loire à la Manche, et même au delà en Angleterre, constituant son empire, comme on le dit avec un rien d’emphase. Meslay appartient plus précisément à cette couronne d’établissements fondés au voisinage même de l’abbaye, dans un rayon de 10 km environ, ponctuée par Négron (près d’Amboise), Notre-Dame-des-Eaux (à la Membrolle), Lavaré, Sapaillé, les Sept-Dormans et le Fontcher près de Villandry.

La fondation d’un prieuré de la part d’une abbaye bénédictine répondait alors à un quadruple souci de christianisation des campagnes, de mise en valeur du sol, de peuplement et de gestion domaniale. En effet, les moines établis en un lieu sous la direction d’un prieur, et qui devaient mener la vie conventuelle s’ils étaient au moins quatre, avaient pour mission  d’assurer  la  gestion  des biens de l’abbaye qui s’y trouvaient, de desservir l’église prioriale bien souvent à l’origine d’une nouvelle paroisse, et d’attirer des hommes qui venaient défricher les terres environnantes et habiter le bourg, le plus souvent  nouvellement fondé.
Meslay dans le terroir de Parçay
Cependant le cas de Meslay, sans être unique loin de là, ne correspond pas tout à fait à ce schéma général. Le prieuré, en effet, ne se trouvait pas au coeur d’un nouveau village, mais à l’écart de celui qui portait le nom de Parçay. La raison en est sans doute que la petite “villa”, c’est-à-dire le petit centre de vie rurale qui portait le même nom, faisait partie, comme Saint-Symphorien et comme Champaigné, des biens dont Charles le Chauve avait confirmé solennellement la propriété aux moines le 3 avril 852. Il y avait là une église Saint-Pierre dont ils se firent reconnaître la propriété en 993, ce qui explique l’établissement du prieuré à quelque distance du centre paroissial. Mais l’inventaire des titres dressé au XVIIIe siècle montre bien qu’à partir de là les moines constituèrent patiemment à Parçay une belle seigneurie où ils exerçaient la justice, levaient sur au moins 4 000 tenures des droits partiellement versés en nature (les “terrages”) et bénéficiaient de l’essentiel des dîmes, cette part des récoltes due à l’Église pour l’entretien des prêtres, des lieux de culte et des pauvres.

Dîmes et terrages devaient être portés dans la grange “terrageresse” et “dîmeresse” de Parçay. Mais cette façon de localiser l’édifice n’est plus attestée après le milieu du XVIIIe siècle : nul doute qu’il faille reconnaître là le superbe bâtiment élevé vers 1220, car l’on voit mal pourquoi les religieux auraient eu l’idée de construire à un kilomètre du premier un autre bâtiment destiné à amasser des récoltes. De plus, Meslay a toujours été considéré comme appartenant au terroir de Parçay : un acte de 1369 l’établit. L’usage de dénommer la commune héritière Parçay-Meslay, introduit en 1814, l’atteste mieux encore.
    
Un grand domaine agricole
Cela dit, tous les prieurés avoisinants ou presque, de même que l’abbaye toute proche, étaient dotés aussi d’une grange affectée à la même destination. Pourquoi donc avoir vu si grand pour celle de Meslay ? L’explication nous est fournie par comparaison avec les deux seuls bâtiments de même époque qui puissent en être rapprochés dans leur état actuel. Il s’agit de la grange de Vaulerent, sise entre Roissy et Senlis, et de celle de Ter Doest à Lissewege près de Bruges en Belgique. Mais ces deux belles granges, moins imposantes pourtant que celle de Meslay, appartenaient à des abbayes de cisterciens. Or les moines blancs, fils de saint Bernard, qui n’acceptaient ni dîmes ni terrages et exploitaient eux-mêmes leurs terres en faire-valoir avaient besoin de vastes bâtiments pour entreposer leurs récoltes. Mais les moines noirs, ceux de Marmoutier entre autres, étaient des bénédictins d’ancienne observance qui s’adonnaient à l’office liturgique et au travail intellectuel, non pas à celui de la terre dont ils étaient rentiers.

L’existence de la grange de Meslay montre pourtant qu’il ne faut pas durcir ces contrastes à l’excès. Meslay, en effet, était dans la seigneurie de Parçay le centre d’un vaste domaine agricole qui ne fut jamais divisé en tenures paysannes. Le commentaire d’un plan dressé en 1745, aujourd’hui perdu, décrit une exploitation de 227 hectares dont 157 de terres arables (133 d’après un arpentage de 1644) et 23 de prés et pâturages. Or la visite du prieuré régulièrement faite en 1321 par les inspecteurs de l’abbaye et dont on a conservé le procès-verbal, révèle l’existence d’un cheptel considérable comprenant notamment 26 boeufs de labour, preuve qu’à cette date le domaine de Meslay était bien aussi en faire-valoir direct. Certes à certaines périodes, notamment de la fin du XVIe siècle à celle du XVIIe , le domaine, dit aussi “la métairie” de Meslay, a été loué, mais jamais à plus de deux fermiers en même temps.

Ce que l’abbé Hugues avait fait construire était donc tout à la fois grange dîmière et terragère de Parçay, et bâtiment central nécessité par l’exploitation d’un grand domaine rural. Au XIVe siècle, les revenus de l’abbaye naguère à la seule disposition de l’abbé furent définitivement répartis entre les grands services du monastère ; de ce fait, le prieuré de Meslay et son domaine furent affectés à la chambrerie de l’abbaye, c’est-à-dire à l’office chargé de gérer l’habillement et l’habitat des moines.

Un lieu de prière et d’accueil
La description des lieux fait apparaître que Meslay avait encore d’autres fonctions. La visite de 1321 montre que la chapelle, aujourd’hui disparue, était bien pourvue d’ornements liturgiques et de vases sacrés et que le prieuré était toujours lieu de vie conventuelle occupé par un groupe non négligeable de moines. Les appartements du porche et les bâtiments attenants s’offraient en outre comme une résidence secondaire pour les abbés et les visiteurs de l’abbaye. L’abbé Etienne de Vernou y fut surpris par la mort en 1283. En 1417, quand les représentants de la ville de Tours voulurent aller au devant de leur nouveau seigneur, le Dauphin Charles (le futur Charles VII) qui arrivait du Nord, ils le rencontrèrent à Meslay.

Meslay du XVe siècle à nos jours
C’est alors aussi que le prieuré fut mis à mal par les soldats écossais, qui constituaient l’essentiel de l’armée régulière du prince. Ces alliés mal payés se livraient au pillage quand ils revenaient en Touraine après quelque campagne. Le 13 septembre 1422, veille de la Sainte-Croix, “ils brûlèrent, dit la Chronique des abbés de Marmoutier, la grande et belle grange de Meslay, qui était remplie de grains, de vin et de fourrage”. Le calme revenu, une dizaine d’années plus tard, la grange fut relevée de ses ruines et la superbe charpente que nous admirons encore, construite.

Après ce grave incident, le prieuré de Meslay fut toujours convenablement entretenu par l’abbaye qui consacrait encore 9 000 livres en 1779 à l’entretien de la grange. Mais quand l’Assemblée nationale constituante décréta la suppression des ordres religieux et la mise à la disposition de la nation de leurs biens, le domaine de Meslay fut vendu le 20 avril 1791 à M. Derouët, architecte à Tours et ancêtre des actuels propriétaires. Au fil des ans et au hasard des successions il fut morcelé et ses multiples détenteurs se disputèrent l’usage de la grange qui fut cloisonnée ; elle retrouva cependant son unité au début du XXe siècle. La guerre qui l’avait déjà menacée en 1589, au temps de la Ligue, puis encore frôlée en 1870 au cours des combats de Monnaie, l’affecta beaucoup plus gravement en 1944, mais le pire fut toujours évité.

En dépit de quelques menaces passagères vers 1890 (projet de démolition), la belle réalisation de l’abbé Hugues des Roches, classée monument historique, est ainsi parvenue presque intacte jusqu’à nous.
                                                                                                   
                                                                                                               
                                                                                                                 Bernard CHEVALIER (Université François-Rabelais de Tours).



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Claire et Patrick LEFEBVRE
lefebvre@meslay.com
Date de dernière mise à jour : 02/12/2021
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